Pénibilité du travail: Si on parlait des médecins hospitaliers ?

PRINT

Si vous ne voyez pas correctement cet email, cliquez ici.

PENIBILITÉ AU TRAVAIL : SI ON PARLAIT DES MÉDECINS HOSPITALIERS ?

 

 
En cette période de nouvelle réforme des retraites, les réformes antérieures (IRCANTEC et réforme générale de 2010) ayant largement altéré les pensions futures des médecins hospitaliers, l’avis général est que la seule avancée qui pourrait compenser l’allongement de la durée de cotisation serait la mise en place d’un Contrat Individuel de Pénibilité.
 
Mais, à peine avions nous vu nos propositions reprises (nous parlions en 2010 de curriculum laboris), aussitôt nous en sommes exclus ! Ce dispositif n’est en effet destiné qu’aux employés du secteur privé, étant donné que des dispositifs de compensation pour les fonctionnaires existent en théorie via des notions de « service actif ». 
 
Mais qui sommes nous donc ? Pas des praticiens du secteur privé, sans aucun doute. Pas des fonctionnaires non plus, a fortiori ne disposant pas d’un quelconque dispositif de « service actif ». Allons-nous une fois de plus être dans un no mans land, ou encore les grands oubliés des réformes, à l’instar par exemple de la Loi TEPA ? Non, cela ne peut rester en l’état.
 
Nous avons immédiatement interpellé Madame la Ministre, qui a bien été obligée, sauf à ouvrir un front violent et rapide, de déclarer que nous allions bénéficier de ce dispositif.  
 
Nous avons été entendus, mais dès ce jour, nous posons les bases d’une grande concertation auprès des praticiens sur  la pénibilité au travail au sein de l’hôpital public, pour en définir les termes et formuler au mieux nos propositions/revendications.
 

Qu’est ce que la pénibilité ?

 
Dans le Code du Travail, la pénibilité est liée à deux conditions cumulatives :
 
1. une exposition à un ou plusieurs facteurs de risque professionnels liés à des contraintes physiques marquées, un environnement physique agressif ou certains rythmes de travail ;
2. susceptible de laisser des traces durables identifiables et irréversibles pour la santé. Plus globalement, sont identifiés des professions ou des postes de travail qui obèrent l’espérance de vie, justifiant un départ anticipé, et altèrent la qualité de vie au grand âge, avec des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé. 
 
Sont ainsi identifiés et reconnus comme métier à pénibilité avérée, les métiers avec de fortes contraintes physiques, le travail de nuit, et les expositions aux facteurs cancérigènes. Les études foisonnent sur les conséquences sur la santé du travail de nuit, mais on peut les décrire ainsi : maladies cardio vasculaires et métaboliques, augmentation du risque de cancer, troubles gastro-intestinaux, désocialisation. Il est considéré que 5 à 10 ans de travail de nuit amputent ou dégradent la vie après la retraite de 5 à 7 ans !
 
Pour autant, ce constat ne nie pas les autres facteurs de pénibilité au travail qui existent, que nous ressentons, qui peuvent nous faire souffrir. Chaque métier a une part de pénibilité vécue ou ressentie plus ou moins selon les âges ou les moments de sa vie. Mais cette pénibilité ressentie et moins objectivable et va justifier d’autres réponses que des compensations via la valorisation des temps de travail ou des retraites : suivi en médecine du travail, prévention des risques psycho-sociaux, organisation du travail, suivi en CHSCT par exemple.
 
Pour les médecins hospitaliers, la problématique est essentiellement celle du travail de nuit. 
 
La continuité du service public, la permanence des soins, font que certaines spécialités sont exposées fortement à ce risque professionnel. Les chiffres validés au delà desquels le risque sur la santé est réel le montrent bien et chacun s’y reconnaîtra : 38 jours par an d’un travail de nuit entre 21H et 6H, soit 270 heures sur la même année.
Un médecin qui effectue 30 permanences sur place en un an peut justifier d’une exposition au travail de nuit. Pour les astreintes, le calcul est le même selon les durées de déplacement. 
 

Il est donc nécessaire de fixer des seuils d’exposition, à partir desquels la pénibilité est reconnue, et appelle à compensation.

 
Au sein de notre organisation, nous avons fixé ce seuil à 1000 gardes ou astreintes déplacées sur une carrière, qui bien sûr débute dès le deuxième cycle des études médicales. Ce seuil permet d’identifier les « médecins de la nuit », ceux qui toute leur carrière sont obligés de travailler la nuit. Il n’est pas nécessaire de désigner telle ou telle spécialité : tous ceux qui ont effectué 1000 nuits de travail doivent pouvoir justifier d’une compensation. Et il est très facile de mesurer le nombre de nuits de manière rétrospective, grâce aux feuilles de paie.
 
Nous allons donc pour la période à venir porter fortement les revendications suivantes pour les médecins concernés, qui serait permise par des accords nationaux, et des contrats à déclinaison locale :
 
* facilitation du décompte horaire du temps de travail ; 
* bonification en temps du travail de nuit, chaque nuit devant compter pour 3 demi-journées ; 
* prévention et dépistage des effets secondaires, grâce à un suivi annuel en médecine du travail, et à l’accès des médecins hospitaliers au CHSCT.
* prise en compte de la pénibilité dans la retraite.
 

Pour la retraite, nous demandons pour ces médecins : 

      
      1. La limitation à 160 trimestres de la durée de cotisation pour l’obtention d’une retraite à taux plein.
 
      2. Le doublement des cotisations Ircantec (part salariale et employeur) sur les gardes et astreintes. 
 
 
Pour le déroulement de leur carrière, nous demandons un parcours professionnel particulier, et une gestion prévisionnelle des emplois et compétences adaptée :
 
 
1. Un aménagement des fins de carrière avec possibilité de travail à temps réduit grâce à plusieurs dispositifs, qui permettraient de maintenir une activité avec des horaires aménagés et de reculer l’âge de la prise de retraite.
      
2. L’obtention de droit d'un temps réduit à partir de 60 ans (au choix du praticien).
 
3. La possibilité garantie d’utiliser les jours de CET épargnés au fil de l’année, régulièrement, avec un rythme fixe (ex 1 jour fixe de CET par semaine). 
 
4. La possibilité de remplacement par les internes titulaires de la licence de remplacement.
 
5. Une gestion ciblée des ressources humaines :
 
      * Ciblage vers des emplois protégés en terme de pénibilité, mais avec une forte plus value : formation des étudiants et internes, des infirmières, informatique médicale, saisie des actes, évaluation.
      
      * Possibilité de changement de spécialité à partir de 55 ans, pour transfert vers une spécialité moins pénible. Il s’agit ici de  passerelles (temps et formation) vers d’autres activités cliniques (gériatrie, médecine du travail) ou de mission d’appui à l’intérieur de la structure hospitalière  (DIM) ou extra hospitalière.    
      
      * Mesures attractives pour favoriser le cumul emploi retraites, avec maintien d’un exercice à temps partiel sur la base minimale salariale d’un PH 4ème échelon.
 
 
 
Puisque nous sommes un peu à part dans le champ social, ni fonctionnaires, ni secteur privé : le champ est libre pour pouvoir innover. Innovons, lançons dès maintenant de vraies négociations avec le Ministère de la Santé, qui pourraient servir d’exemple aux autres professions. Le Contrat Individuel Pénibilité est facile à construire même de manière rétrospective, au vu des feuilles de paie, et de la connaissance locale des conditions d’exercice de la permanence des soins. Et il doit permettre la compensation de cette pénibilité, la mise en place d’une gestion des ressources humaines adaptée, axée sur une organisation du travail ciblée pour le travail en permanence des soins, le dépistage et la prévention des risques liés au travail de nuit.
 
 
Nous nous engageons à porter fortement ces revendications, et si elles ne sont pas entendues sommes prêts à lancer un mouvement fort pour les faire entendre, avec vous.
 

 

Dr Nicole Smolski, présidente de l'intersyndicale Avenir Hospitalier

 
 

 

 

Avenir Hospitalier - 58 Rue Corvisart - 75013 PARIS
Site Internet :
www.avenir-hospitalier.fr
E-mail : contact@avenir-hospitalier.fr

Si vous souhaitez vous désinscrire, .