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Des Hôpitaux magnétiques : pour une gouvernance à visage humain !

Catégorie : Grands Dossiers
Publié le vendredi 31 août 2012 10:13

- Management, profil de carrière et valences des médecins hospitaliers -
En référence à l’article canadien de Y Brunelle : « Les hôpitaux magnétiques : un hôpital où il fait bon travailler est un hôpital où il fait bon se faire soigner ».


Il est urgent de revaloriser la place du Praticien Hospitalier au sein de l’institution hospitalière : une place accrue dans les prises de décisions, une place reconnue aux postes de responsabilités, et une place retrouvée au plus près du malade au sein d’équipes à tailles humaines.


Le bilan des dernières années est catastrophique en terme de résultats sur la confiance que chaque acteur devrait avoir en son institution et en ses responsables. Le new management public et les réformes néo libérales ont fait la preuve de leur inadéquation pour gérer les hôpitaux, en témoigne la désaffection croissante des médecins vers la carrière publique et le discrédit grandissant de l’institution. Il est urgent de redonner confiance et de reconquérir les médecins attachés à leurs missions de service public. Des mesures simples, non coûteuses, satisferaient rapidement tous les acteurs y compris la plupart des « managers » coincés entre leurs valeurs de service public et leur sens de la hiérarchie. Deux principes doivent guider ces réformes :


A. Instaurer une politique de management humain, à tous les niveaux
(services, pôles, hôpitaux, région) :

 

B. Inclure les données sur la sociologie générationnelle dans les profils de carrière, avec des possibilités de trajectoires différentes selon les âges et les aspirations, via le concept des valences, permettant des profils de carrière individuels au sein du statut unique.

 

1. Les prises de décisions doivent répondre à un impératif de collégialité et de démocratie.

La gouvernance hospitalière nécessite d’être rénovée : les établissements publics de santé (EPS) doivent retrouver un fonctionnement démocratique. Nous souhaitons évidemment que le directeur ait un réel pouvoir et notamment celui de décider et d’arbitrer. Cependant il doit exister un contre pouvoir vivant et démocratique : une assemblée élue et représentative des soignants.


Il apparait donc nécessaire :
De renforcer les prérogatives des actuelles CME en lui donnant les moyens de ses ambitions : vote du projet médical, validation des comptes financiers et de l’organisation médicale, gestion de la qualité des soins.


-  D’ouvrir les CHSCT aux conditions de travail des médecins (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) en lien avec l’actuel CTE (comité technique d’établissement). Pour mémoire « les CHSCT d’entreprise de plus de 50 salariés ont pour mission de contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des salariés ainsi qu'à l'amélioration des conditions de travail. Composé notamment d'une délégation du personnel, le CHSCT dispose d'un certain nombre de moyens pour mener à bien sa mission (information, recours à un expert...) et les représentants du personnel, d'un crédit d'heures et d'une protection contre le licenciement. Ces moyens sont renforcés dans les entreprises à haut risque industriel ». Or actuellement nos hôpitaux, notamment à travers la généralisation du management d’entreprise, sont devenus des
institutions à haut risque industriel et humain. Ce CHSCT ouvert aux représentations syndicales des médecins est devenu d’une impérieuse nécessité.


Une charte intra-hospitalière commune doit être conçue au sein de chaque établissement, partagée entre les médecins et les directeurs d’établissement, fixant les règles minimales d’organisation du travail : quel accueil, quelle installation, quelle organisation du travail, quelle circulation de l’information, quelle reconnaissance du travail effectué, etc. Autant d’objectifs partagés nécessaires pour que tous les médecins de l’hôpital adhèrent à un projet et à des règles communes.

 

2. Les Praticiens Hospitaliers doivent pouvoir accéder plus naturellement à des postes de responsabilités, pour des périodes limitées, renouvelables après évaluation.


Les Ordonnances de 1958 sont dépassées. Il est illusoire de demander à un même praticien de pouvoir simultanément assumer une réelle activité clinique et de faire preuve d’une expertise en gestion humaine, en enseignement, en recherche, et en management. Ces fonctions doivent être dissociées, et assurées sur des périodes limitées, avec évaluation régulière des objectifs réalisés par l’administration et par les pairs. Ainsi les fonctions d’enseignement, de recherche, de gestion, d’encadrement, de responsable d’unités doivent être contractualisées
avec l’établissement et évaluées pour être reconduites. Tous les niveaux de responsabilité doivent être accessibles aux PH non universitaires. Les fonctions de responsabilité dans l’organisation et la gouvernance doivent impérativement obéir à des règles démocratiques permettant de valoriser les talents et d’évaluer les résultats.


3. Les médecins doivent pouvoir soigner sans contraintes administratives chronophages au sein d’unités médicales à taille humaine


Le management tourné vers des structures gigantesques (cf. le pôle) est voué à l’échec : déresponsabilisation, anonymat, désorganisation, perte d’objectifs. Il est nécessaire de donner plus de place aux structures internes, aux unités de soins à tailles humaines constituées au plus près de l’exercice clinique. Ces structures internes, unité de base des pôles, peuvent, grâce à des contrats d’objectifs et des règles de démocratie, permettre aux PH de se sentir intégrés à la vie de l’hôpital, condition de base de leur engagement et de leur maintien dans la structure. Il est primordial que les médecins puissent participer démocratiquement et en toute transparence aux décisions, notamment celles qui concernent leur exercice. Ce fonctionnement n’est possible qu’au sein d’unités de soins qui autorise la constitution et la vie en équipe.


Par ailleurs, la tarification à l’activité, la judiciarisation de l’exercice médicale, les contraintes réglementaires croissantes, sont à l’origine d’une véritable explosion des tâches administratives incombant aux médecins et extrêmement chronophages : cotations des actes, saisies sur dossiers, etc. Il apparaît nécessaire de recentrer l’exercice médical au plus près du soin, au plus près du lit du malade. Le temps médical utile au soin doit être sanctuarisé. Toutes les solutions sont envisageables dont notamment le recrutement d’assistants aux codages.


4. Management des ressources humaines médicales et création d’une modularité dans la carrière grâce au concept de « valences »


L’attractivité des carrières médicales hospitalières n’est pas une incantation ou un chiffon rouge agité dans le vide. Aux problèmes démographiques des professions médicales, favorisés par le numerus clausus et l’absence de régulation volontariste, se surajoute une désaffection croissante pour la carrière de praticien hospitalier.


Cette désaffection a des causes : il a s’agit en réalité d’une politique concertée visant à faire fuir les médecins statutaires des hôpitaux, afin de les remplacer par des mercenaires et des cliniciens hospitaliers soumis contractuellement aux nouveaux managers (directeurs et chefs de
pôle). La précarisation de l’embauche et la perte d’indépendance du professionnel médecin sont contraires à l’éthique de nos métiers et à un exercice professionnel serein.


Une vraie réflexion doit de toute urgence avoir lieu sur les conditions qui permettraient d’attirer à nouveau les médecins vers l’hôpital public. Il ne sert à rien de vouloir garder de force les PH via une clause « Maginot » de non concurrence, mais il faut, au contraire, leur donner envie de rester. À ce titre il est impératif de créer et de formaliser un management des ressources humaines médicales au sein de l’hôpital car ce management est aujourd’hui inexistant !


Ce dernier doit prendre en compte les aspirations des plus jeunes et des plus anciens afin d’attirer les premiers vers l’hôpital et afin d’encourager l’ensemble des médecins à y rester et à y évoluer durant toute une carrière. Il faut donc appréhender la carrière hospitalière en trois temps minimum : un début de carrière très attractif, un milieu de carrière modulable (valences), une fin de carrière respectueuse et redistributrice des expériences acquises. Mais du début à la fin une
préoccupation doit être permanente : protéger le médecin face aux agressions physiques (travail de nuit, etc.) et psychiques (stress, désorganisation des plateaux techniques, etc.).


La carrière d’un médecin hospitalier ne peut plus être monolithique comme aujourd’hui, elle doit pouvoir évoluer en fonction des aspirations de chacun à un moment donné de sa vie. Il faut donc prévoir un rendez-vous annuel formalisé entre le praticien et son employeur (administratif et/ou chef de service ?) au cours duquel sera déterminé contractuellement son profil de poste pour l’année à venir. Ce profil de poste pourra prendre toutes sortes de formes :
entre un temps plein clinique exclusif ou temps partagé (et clairement défini contractuellement à cette occasion) entre des activités cliniques et des activités extra-clinique (enseignement, recherche, intérêt général, mission institutionnel, mobilité).


Ainsi, le concept des valences individuelles peut permettre de valoriser en temps ces temps d’activités extra-cliniques. Ces valences devront donc être formalisées annuellement lors du RDV « praticien - employeur ». Il apparaît en effet indispensable de reconnaître et d’encadrer officiellement les investissements de chacun en sus de leur activité clinique. Le statut unique de PH doit permettre la reconnaissance concrète et prospective de ces fonctions
extra-cliniques (enseignement, recherche, gestion, vigilances, chefferie de service, de pôle, etc.) par des contrats prévisionnels avec évaluation rétrospective du service rendu. On pourra, par exemple, choisir de s’investir en toute clarté dans un programme de recherche pendant une durée de un, deux, trois ans ou, autre exemple, décider pour une période donnée de consacrer 50 % de son temps de travail à l’enseignement. Ce sont des modularités dans une carrière, des respirations indispensables pour rebondir et lutter contre l’épuisement au travail.

 


5. Intéressement à la Performance Collective


Le concept de performance est désormais détourné de son vrai sens par la « novlangue » des managers hospitaliers. Pour eux, la performance est une performance individuelle et financière.

Pour AVENIR HOSPITALIER, la performance est essentiellement une valeur professionnelle inhérente à l’engagement à soigner, elle fait partie intégrante du métier de médecin hospitalier et ne nécessite pas de rémunération supplémentaire.

En revanche, il est important de valoriser la performance collective, véritable moteur de l’investissement dans le service public hospitalier, seul garant de la qualité clinique. Le niveau de l’intéressement collectif sera rapporté au niveau de la PFR des directeurs d’hôpitaux.

Enfin, La possibilité d’avoir recours au mercenariat médical doit être interdite. Certains établissements ne peuvent fonctionner dans des spécialités déficitaires qu’avec des mercenaires, sans aucune garantie de qualité et de sécurité. Une vraie politique de performance hospitalière doit s’appuyer sur des médecins titulaires, engagés au sein de leur établissement, sur la base d’une vraie politique d’attractivité nationale des carrières. La politique de remplacement doit s’organiser au niveau territorial et non local.