DES de gériatrie : chronique d’une catastrophe annoncée

 
 
En 2017, le DESC de gériatrie deviendra un DES, comme pour la médecine d’urgence. Quelles sont les conséquences prévisibles de cette transformation ?
 
Jusqu’à maintenant, il existait deux voies pour devenir gériatre. La première voie est celle du DESC de type 2 (le DESC créé en 1988 est devenu qualifiant en 2004, lorsque la gériatrie a été reconnue officiellement comme spécialité), qui était initialement surtout validée par des DES de médecine interne avec souvent une perspective universitaire. Secondairement, la médecine générale étant devenue une spécialité, ce sont les DES de médecine générale qui ont fourni 90% des effectifs du DESC de gériatrie, au grand désespoir des enseignants de médecine générale qui se sont sentis bien souvent dépossédés de leurs étudiants. La deuxième voie est celle de la capacité de gérontologie créée elle aussi en 1988. Ce système a d’abord permis à des médecins généralistes déjà installés et plus rarement à des spécialistes de se reconvertir à la gériatrie. Depuis quelques années, ce sont aussi les médecins à diplôme étranger qui choisissent cette voie pour valider leur procédure d’autorisation d’exercice (PAE). La capacité a fourni de très nombreux médecins coordonnateurs d’EHPAD, de médecins de SLD et aussi de SSR gériatriques. Dans une étude publiée en 2010 [1], 88,5% des gériatres hospitaliers étaient détenteurs de la capacité de gérontologie et seulement 8% du DESC. En sachant que l’exercice de la gériatrie est exclusivement hospitalier pour 7 gériatres sur 10… La capacité a formé plus de 4000 gériatres ces 15 dernières années. En France, en 2010, 2784 médecins généralistes avaient la compétence en gériatrie grâce à ce diplôme capacitaire. Il est bien sûr évident que le fait que la capacité donne une compétence a beaucoup plus de valeur qu’un Diplôme Universitaire (DU), et qu’un simple DU de médecin coordonnateur ne pourra pas la remplacer. Par ailleurs, cette formation longue (2 ans) et complète, avec des stages dans les différentes structures de gériatrie, était très importante pour les médecins étrangers préparant la PAE de gériatrie. Que va-t-il leur rester ?
Concernant le DESC, il n’y avait pas de limites pour le nombre d’étudiants potentiellement formés. Que va-t-il en être pour le DES ?
Comme on l’a vu, 9 gériatres sur 10 actuellement à l’hôpital sont détenteurs de la capacité. Si on regarde les chiffres de 2012 [2],  il y avait 678 étudiants en 2ème année de capacité (dont 45% en Ile-de-France) dont 550 qui ont validé leur diplôme, contre 50 étudiants en DESC de gériatrie dont 14 en Ile-de-France... Il n’y a pas photo !
 

Combien va-t-il y avoir de postes de DES de gériatrie ouverts en 2017 ?

Personne ne le sait. Entre 150 et 250 ? Sur l’Ile-de-France, il est évoqué 70 postes à ouvrir progressivement… L’objectif à terme serait de 300 à 400 médecins par an formés à la gériatrie. Il faudra aussi prévoir un nombre de postes de chefs de clinique suffisant (40 à 50 postes actuellement). Sur quoi sont basés ces calculs ? Uniquement sur le nombre de postes de praticiens hospitaliers (PH) mis au concours chaque année ! Comme si les seuls besoins de gériatres ne concernaient que les PH ! Rien que pour les médecins coordonnateurs d’EHPAD (mais apparemment ils n’ont pas besoin d’être gériatres), les besoins estimés sont de 6000 médecins pour environ 10000 établissements dans les secteurs publics, privés et associatifs [1]. Sans évoquer non plus le problème des départs à la retraite. Si on ne considère que l’Ile-de-France, une enquête récente des responsables du DESC a montré qu’il y avait au moins 128 postes d’internes en unité de gériatrie aiguë (UGA) (soit 256 par an) et 59 en SSR (soit 118 par an). Or, il n’est prévu d’ouvrir la première année que 30 postes de DES…
 

Comment va fonctionner ce DES ?

Il faudra choisir d’emblée la spécialité de gériatrie à l’issu de l’ECN, alors qu’avec le DESC, bien souvent, c’était un choix plus tardif en fonction des stages dans lesquels étaient passés les étudiants. Ensuite, le nombre de places sera fixe et comme on l’a vu, limité. Majoritairement ces places seront dans les courts séjours (UGA) et bien sûr les services universitaires. Quid pour les autres ? En particulier pour les SSR gériatriques ? Pour le SLD, cela fait longtemps que ces services, jugés peu formateurs (mais est-ce que les universitaires y ont déjà mis un pied ?) n’ont plus d’internes. Par ailleurs, comment va réagir la médecine générale à qui on va enlever des postes pour les donner à la gériatrie et à la médecine d’urgence ? De nombreux services de SSR gériatriques n’auront pas l’agrément pour le DES de gériatrie (ou parfois pour un seul poste). Comment vont-ils pouvoir recruter des étudiants ? Très rapidement, comme en SLD, il n’y aura plus d’internes dans ces services. Comme si la gériatrie ne concernait finalement que le court séjour.
Alors que le nombre de personnes âgées ne cesse d’augmenter, que les besoins de gériatres vont eux aussi augmenter, aussi bien en ville, qu’à l’hôpital ou en clinique, et en EHPAD, la création de ce DES risque paradoxalement d’entraîner une pénurie de médecins spécialisés en gériatrie ! Nos universitaires y-ont-ils bien réfléchi ?
 
Christophe Trivalle, Hôpital Paul Brousse
 
Références
1-Livre blanc de la Gériatrie Française. Gériatries 2011. http://www.cnpgeriatrie.fr/wp-content/uploads/2013/01/Livre-blanc-de-la-g%C3%A9riatrie-modifi%C3%A9.pdf
2-Chassagne P. DESC de Gériatrie, Capacité de Gérontologie, DES de Gériatrie, Perspectives. La Gazette du jeune gériatre, mai 2013 ; 6 : 9-11.

Analyse du décret réformant le 3ème cycle des études médicales

Le décret du 25/11/2016 réformant le 3ème cycle des études de médecine vient juste d'être publié au JO du 27/11/2016. Les travaux du Pr Benoît Schlemmer ont permis la finalisation de cette réforme, suite au rapport initial des Pr. Couraud et Pr. Pruvot (2014), complété par un rapport de l'IGAS de M. Selleret et M.Blemont (2015).
 
Un Diplôme d'Etat unique de Docteur en Médecine est créé. L'accès au troisième cycle et aux différentes spécialités (DES) est entièrement déterminé par l'épreuve classante nationale (ECN) anonyme et désormais informatisée depuis 2016.
 

Chaque DES doit être un diplôme nécessaire et suffisant à l'exercice de la spécialité.

Les diplômes d'université (DU ou DIU) ne doivent pas servir à l'enseignement initial du programme officiel de la spécialité. Les 31 DESC existants sont supprimés et l'arrêté du 13 novembre 2015 énumère les 35 DES et 8 « co-DES » dont les premiers semestres sont communs mais qui donnent lieu à des diplômes distincts (par exemple le co-DES associant l'Anesthésie-Réanimation et la Médecine Intensive Réanimation). Le DES de chirurgie générale et les DES complémentaires (DESC) de chirurgie sont transformés en neuf DES de chirurgie, la médecine d'urgence et la gériatrie acquièrent le statut de DES à part entière tandis que l'actuel DES de stomatologie est supprimé.
Le décret prévoit la possibilité de suivre une option qualifiante permettant l'acquisition de « compétences particulières au sein de la spécialité suivie » ou une « formation spécialisée transversale » [FST] qui est une option commune à plusieurs spécialités, toutes deux susceptibles d'ouvrir droit à un exercice réservé d'une sur-spécialité. Des arrêtés spécifiques à venir détermineront la liste des options ou des FST qualifiantes.
L'organisation géographique du TCEM est sensiblement modifiée, avec un découpage du territoire en inter-régions « comprenant une ou plusieurs subdivisions qui constituent un espace géographique comportant un ou plusieurs CHU », alors que jusqu'alors, les inter-régions devaient intégrer « au moins trois CHU ». La dénomination de « subdivision d'internat » est abandonnée mais les dispositions spécifiques à Paris, à la Guadeloupe, à la Martinique et à la Guyane sont maintenues.
 
Le contingent d'étudiants à former en troisième cycle est désormais déterminé par spécialité et par CHU (et non plus par subdivision d'internat, laquelle comportait plusieurs CHU).
 
Le troisième cycle est désormais organisé en trois phases dont les durées varient selon les maquettes de formation. Le décret prévoit une évaluation à l'issue de chaque phase.
  • Phase 1 (phase socle): acquisition des compétences transversales nécessaires à l'exercice de la profession et des connaissances de base de la spécialité.
  • Phase 2 (phase d'approfondissement): acquisition approfondie des connaissances et des compétences nécessaires à l'exercice de la spécialité suivie.
  • Phase 3 (phase de consolidation): cette phase de mise en responsabilité devrait correspondre à un post-internat obligatoire pour toutes les spécialités (1an ou 2 ans selon les spécialités).

 

Les figures ci-dessus, empruntées au Pr. Benoît Schlemmer (qui conduit la réforme) illustrent ces trois phases en fonction du DES médical ou chirurgical.
L'application de ce décret rentre en vigueur à la rentrée universitaire 2017-18. Les internes déjà en 3ème  cycle demeureront soumis à la réglementation précédente.
 
Raphaël Briot, Administrateur d’AH, CHU Grenoble
 

Editorial

Du dialogue aux actes…

Faut-il le rappeler ? Avec l’ensemble des soignants, les médecins, pharmaciens, biologistes et odontologistes sont la cheville ouvrière du fonctionnement des hôpitaux publics dont les personnels de direction et administratifs sont les gestionnaires. Ces derniers assurent l’ordonnancement et le bon usage des dépenses au montant fixé par les Pouvoirs Publics.

Chacune à leur place, ces trois entités sont à l’entier service des usagers. Préserver les médecins et soignants est un enjeu majeur pour la santé de nos concitoyens. En appui, viennent, l'administration et,  avec des rôles différents,  des organisations syndicales regroupées en intersyndicales (IS) pour les praticiens, comme Avenir Hospitalier et la CPH, et des associations comme la FHF et les Conférences pour les directeurs et présidents de CME.

Les pouvoirs publics sont à l’interface du dialogue social. Qu’il se grippe et c’est le conflit social : jusqu’à la grève. Ce fut le cas le 26 septembre dernier, à l’appel du SNPHAR-E, soutenu par AH et CPH. Au-delà d’un simple ras-le-bol, la très forte médiatisation de votre mobilisation a exprimé la nécessité d’une réelle écoute de la part du ministère et celle de joindre les actes aux paroles. A défaut de quoi, parler de confiance et d’un pacte qui en porterait le nom, serait vain.

La concrétisation du 26 septembre s’est traduite dans la consolidation de cinq mesures décidées par la ministre depuis un an, puis concertées avec les IS :

  • harmonisation des droits sociaux et d’exercice en début de carrière
  • création d’une prime d’engagement de carrière hospitalière
  • prime d'exercice territorial dans les GHT
  • harmonisation du paiement au tarif de jour du temps de travail additionnel sous forme de gardes ou astreintes opérationnelles. Cette mesure (arrêté du 4 novembre 2016) permet une augmentation de 100 € pour toute période de TTA réalisée en garde sur place ou de 50 € par astreinte déplacée et autorise le maintien de l’indemnité de sujétion, jusqu’à présent déduite de l’indemnité de TTA.
  • valorisation du travail médical réalisé en début de soirée, (arrêté du 4 novembre) qui donnera lieu à une instruction ministérielle. Nous pensons qu’elle peut, non seulement faciliter la reconnaissance d’un travail jusqu’alors statutairement invisible, mais de plus, ouvrir une voie vers la pleine reconnaissance du travail de nuit et de sa pénibilité.

Votre grève a aussi permis la création d’un second montant de l’Indemnité d’Enga­gement de Service Public Exclusif, portée à 700 € pour tout praticien justifiant de la perception de la prime depuis au moins 15 ans et qui s’engagera à poursuivre cette exclusivité.  Cette mesure touche un plus grand nombre de praticiens et plus précocement que le 14ème échelon que nous réclamions.

D’autres textes sont attendus pour rasséréner ceux qui ne bénéficieront pas de cette reconnaissance. Nous vous demandons de ne pas baisser la garde jusqu’à la satisfaction de vos attentes par la traduction réglementaire de mesures d’attractivité cibles. C’est tout le sens de notre signature du protocole d’accord de méthode qui, avec ce nouveau cycle, nous projette à l’horizon de mars 2017 pour le passage de nouveaux textes en Conseil d ‘Etat avant promulgation au J.O.

Si les discussions s’annoncent ardues, nous sommes prêts pour aborder les trois points suivants :

  • valences non cliniques, vrai travail dans la mission du PH pour retrouver une respiration et une autonomie au sein de nos équipes.
  • reconnaissance de l’impact de la garde pour tout le temps que vous y consacrez.
  • application effective de la Directive DETT 88-CE : comme l’exige la Cour de Justice de l’UE. C’est-à dire permettre à tout PH de maîtriser son temps de travail en jour ou en nuit.

De la même façon, seul un dialogue social fructueux pourra forger les outils nécessaires à la mise en œuvre de la stratégie nationale sur la Qualité de Vie au Travail (QVT) annoncée par la ministre le 5 décembre dernier. La QVT doit être conquise au plus près du travail, y-compris par la voix des organisations syndicales dont la culture et la plus-value sociale doivent être reconnues pour mieux se défendre d’organisations génératrices de mal-être. C’est là, un vrai virage culturel à prendre.

Enfin, le socle du recrutement médical des hôpitaux depuis 1984 est le statut de Praticien Hospitalier. Plusieurs programmes électoraux veulent l’abattre, au bénéfice de contrats individuels. À la veille des prochaines échéances électorales majeures pour notre pays, une privatisation sauvage qui livrerait notre système de santé à tous les vents mauvais du profit et de la rentabilité, trouvera, avec vous, au sein des organisations syndicales comme la nôtre, un rempart déterminé.

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Avec le soutien du Groupe Pasteur Mutualité

 

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Campagne nationale
" Dis Doc', t'as ton doc' ? "  pour faire évoluer le modèle culturel des médecins !

 

Retrouvez toute l'information dans le communiqué de presse (cliquez ici)

www.cfar.org/didoc/ 

 

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Actu'APH n°16

       

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     Les annonces de recrutement octobre 2023

 

             retrouver ces annonces sur le site reseauprosante.fr

 

Les dernières actus

75 % DES MEDECINS HOSPITALIERS RISQUENT DE QUITTER L’HOPITAL PUBLIC DANS LES 5 ANS… … PARCE QUE PERSONNE NE PREND SOIN DES MEDECINS HOSPITALIERS.

MISSION-FLASH : UN NOUVEAU RATAGE GOUVERNEMENTAL (PREVISIBLE) !

Ce vendredi 1er juillet, Action Praticiens Hôpital dévoilait à la presse les résultats complets de l’enquête « Nuits Blanches » sur la permanence médicale des soins à l’hôpital public : 75 % des praticiens hospitaliers risquent de quitter l’hôpital public dans les 5 ans à cause de la permanence des soins. En parallèle, le rapport de la mission-flash sur les urgences était remis à la Première Ministre. Un rapport sans doute amoindri à la demande de la Première Ministre, puisque seules 41 des multiples propositions [CP1] [WA2] envisagées par la mission ont pu figurer dans le rapport.

le dossier de presse

Lettre aux élus De La République

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Paris, le 22 juin 2022

Monsieur le Président du Sénat,

Monsieur le Président, Madame la rapporteure de la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France

Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,


Action Praticiens Hôpital, union d’Avenir Hospitalier et de la Confédération des Praticiens des Hôpitaux, organisation majoritaire aux dernières élections professionnelles pour le Conseil Supérieur des Personnels Médicaux vous remercie pour l’écoute attentive lors de notre audition au Sénat du 9 décembre 2021. Nous vous remercions pour le rapport que vous avez publié le 29 mars 2022 et nous nous permettons de vous rappeler notre proposition de réfléchir ensemble sur les modalités législatives à mettre en œuvre pour faire évoluer la situation de l’Hôpital Public et de l’accès à un juste soin qui se dégradent sur l’ensemble du territoire national.

Nous représentons les médecins, pharmaciens, odontologistes des hôpitaux et faisons partie des corps intermédiaires élus. Nous sommes issus du terrain et des terroirs de notre Nation. Nous appartenons à l’Hôpital Public pour lequel nous œuvrons jour et nuit pour permettre un accès aux soins à tous nos concitoyens, vos électrices et vos électeurs, pour qu’en France vivre en bonne santé soit et reste une réalité.

Dans cette lettre nous vous résumons une partie de notre analyse sur les points de blocage et les leviers que la Loi devra changer pour que demain le pilier Santé retrouve sa juste place dans notre société. Pour que l’ensemble des praticiens et soignants des établissements de santé, du médico-social comme de la ville puissent retrouver la sérénité d’exercice dont ils ont besoin pour répondre aux attentes des patients et de leur famille.

Nous avons subi depuis des décennies le dogme de la rationalisation fiduciaire et notre système est à bout de souffle, au bord d’une rupture irrémédiable. La France qui dans les années 2000 était à la pointe de la médecine dans le monde se retrouve aujourd’hui au 23ème rang.

Notre rôle de corps intermédiaire a été trop souvent ignoré et parfois maltraité par une gangue administrative qui a parfois perdu le sens des valeurs de notre société. Nous connaissons bien les territoires et ce que nous avons à faire pour le bien commun. Nous vous l’avons démontré depuis longtemps et encore plus lors de la première vague Covid. Nous avons alerté également maintes fois pour que les choses évoluent…

Il semble temps aujourd’hui de changer de méthode et de retrouver des objectifs quantitatifs acceptables mais surtout qualitatifs en termes de juste soin pour les patients et d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle pour nous vos soignants. Ces conditions sont indispensables pour que nos concitoyens puissent retrouver une espérance de vie en bonne santé superposable à celle des autres pays et que les acteurs du soin que nous sommes puissent également retrouver le sens de leurs métiers.

Nous ne sommes pas abstentionnistes ou spectateurs passifs mais des acteurs engagés pour construire le renouveau tant attendu par les Françaises et les Français et clairement exprimé ces dernières semaines. Nous sommes et serons là pour vous aider à reconstruire et à moderniser l’existant pour que le vivre ensemble en bonne santé ne soit plus un mirage mais redevienne une réalité pour toutes et tous en tout point du territoire.

APH est à votre disposition pour travailler dans cette direction dans un respect mutuel et autour des valeurs de notre République.

Prenez soin de vous, des vôtres et de la santé de vos administrés comme celle de l’Hôpital Public et de notre système de soin.

 

APH REAGIT A LA « NOTE AU GOUVERNEMENT » DE MARTIN HIRSCH

 

Tribune APH du 9 mai 2022

 

Martin Hirsch, directeur général de l’APHP, s’est autorisé à envoyer une « note au gouvernement » [1] qui ressemble à un acte de candidature au poste de ministre chargé de la Santé. Dans cette note, adressée en copie à la presse, il étale ses réflexions et ses propositions pour l’hôpital public… Nous nous limiterons ici à commenter ses propositions, exposées comme une profession de foi.

Faire le constat du naufrage de l’hôpital public, annoncé par les syndicats depuis longtemps, fait désormais l’unanimité. Les discours des politiques et des administratifs assurant que l’hôpital tient toujours debout, qu’il a tenu pendant la pandémie, que la résilience des hospitaliers est inaltérable ne sont que façade. La réalité de notre quotidien est tout autre : la souffrance des hospitaliers explose, déprogrammations et fermetures de services résultent du manque de professionnels paramédicaux et médicaux, qui fuient en nombre le service public hospitalier. Nombre de celles et ceux qui restent encore sur le front sont rongés par un épuisement professionnel et personnel.

Cependant, les angles de vue proposés par Martin Hirsch sont inquiétants, en profond décalage avec les métiers du soin et la notion de service public.

  • Considérer que le soin se résume à une productivité mesurable est d’une cruelle indécence pour tous ceux dont on salue la vocation, l’humanisme et tout simplement le professionnalisme. Dans quelque secteur du soin que ce soit, le geste technique – qui rapporte à l’hôpital – n’est rien sans la relation du soignant avec le patient, sans le travail d’équipe, sans la réflexion sur son propre travail. C’est pourtant bien cette perte de sens qui fait fuir ou qui épuise les professionnels de santé.
  • Considérer que le professionnel de santé est un pion qui joue individuellement et que l’on peut balader d’un service à l’autre, d’un établissement à l’autre, d’une région à l’autre est encore une fois oublier le sens du soin à l’hôpital. Une équipe se construit, a une histoire, un projet, elle se renouvelle, mais doit savoir garder ceux qui s’investissent pour elle et doit donner la possibilité à chacun de s’investir, pour se sentir partie prenante de l’œuvre commune de soigner, d’accompagner et du vivre ensemble.
  • Considérer l’hôpital sans la ville oublie que le système de santé doit être centré autour du patient, et de son médecin traitant, et non du CHU parisien. Le champ du médico-social semblerait aussi avoir été omis… Le passage à l’hôpital d’un patient ne devrait se faire que lorsque les moyens de la ville et du premier recours sont dépassés : compétences spécialisées, plateaux techniques et maternités.
  • Défier les corps intermédiaires élus et donc légitimes, c’est-à-dire les syndicats – ce terme n’est même pas mentionné dans sa note – comme ne défendant pas les intérêts des praticiens est particulièrement déplacé. L’exemple de la discussion lors du Ségur sur la permanence des soins… à laquelle il n’a pas participé, contrairement à nous ! – en dit long sur sa vision du dialogue social…

Ainsi, ses propositions sont-elles également en décalage avec les métiers du soin hospitalier.

  • L’attractivité (jamais nommée dans la « note ») ne peut se résumer au problème des rémunérations. Il est si facile d’occulter les réelles difficultés : permanence des soins, temps de travail, reconnaissance de la pénibilité, équilibre vie professionnelle et personnelle, adaptation des contraintes à la parentalité… Le Ségur a été insuffisant, quand il n’a pas été insultant pour les praticiens hospitaliers. Le chantier de l’attractivité est à ouvrir réellement, courageusement : c’est une des priorités à mettre en œuvre immédiatement.
  • La mobilité versus la carrière à vie ? Destructrice de l’équipe et de tout projet professionnel, la perpétuelle mobilité contribuerait à envoyer les praticiens vers des carrières « à vie » dans les établissements qui le proposent : les établissements privés. Si nous sommes d’accord sur le fait que la concentration des prérogatives « clinique, enseignement, recherche et management » sur les seuls hospitalo-universitaires n’a pas de sens, il n’y a en revanche aucune honte à être praticien hospitalier toute sa vie, ou pendant un temps long, dans un même établissement. Il n’y a aucune honte à y travailler sans aspiration hospitalo-universitaire. Le travail hospitalier des praticiens implique la constitution de projets à long terme, d’investissements financiers, mais aussi de création de réseaux avec la ville, le médico-social et de suivi des patients porteurs de pathologies chroniques complexes. Monsieur Hirsch sait-il seulement ce qu’est le travail d’un praticien hospitalier, d’un soignant ?
  • La casse du statut ? Oui, les professionnels de santé gagneraient à être reconnus ou assimilés à des fonctionnaires « régaliens », plutôt que de poursuivre leur engagement dans l’hôpital public tout en voyant des collègues faire de l’intérim pour des rémunérations qui vont jusqu’à dix fois la leur, pour produire de l’acte sans contribuer aux piliers essentiels de l’hôpital que sont l’équipe, les liens entre services et la vie institutionnelle. Tous ces nouveaux contrats dont rêve Monsieur Hirsch ne font pas avancer l’hôpital : ils continuent à le détruire davantage. Les professionnels de santé engagés dans l’hôpital public demandent seulement à être rémunérés en fonction du travail qu’ils réalisent, où pénibilité et responsabilité doivent être prises en compte.
  • La gouvernance souffre en tout premier lieu de démocratie, notamment dans la désignation des chefs de service et de pôle. Aucun projet de réforme de gouvernance ne peut voir le jour sans ce prérequis. L’évocation des instances médicales et paramédicales des instances de gouvernance n’appelle pas la comparaison suggérée par Martin Hirsch : ni leur composition ni leurs missions ne sont comparables, ce d’autant qu’aucune représentation syndicale médicale locale n’est actée dans les établissements publics de santé. Cette absence d’implication des syndicats de praticiens hospitaliers à l’échelon du territoire de santé est une anomalie qui interroge…

Action Praticien Hôpital ne cesse d’appeler à réformer le système de santé et continuera à porter les principes de la qualité de vie des praticiens hospitaliers ; c’est l’intérêt de l’hôpital public : ceux qui y travaillent, ceux qui y sont soignés. Pour nous, le statut de praticiens est un gage de sûreté pour ce corps mais également d’équité sur l’ensemble du territoire national. Contrairement aux propos de Monsieur Hirsch, le cadre qu’il définit comme « rigide » de l’hôpital public ne l’empêche pas d’évoluer. Au contraire, il sécurise une réforme nécessaire, tout en gardant les prérogatives du service public comme les valeurs de la République pour défendre notre système solidaire de santé.

Nous défendrons des actions pour promouvoir un renouveau du système hospitalier et de celui de la santé en conservant les fondamentaux comme ceux des statuts, des engagements par conviction au service des patients et dans un esprit d’équipe et avec une rémunération revalorisée mais sans lien avec de l’intéressement et de la spéculation.

Cette réforme sera coûteuse mais elle est nécessaire, et elle sera efficace.

Ayons le courage de définir la place de l’hôpital public dans le système de santé : il n’est en concurrence ni avec la médecine de ville, ni avec l’activité des cliniques lucratives dont les missions et les objectifs sont différents.

Ayons le courage de mettre sur la table le problème du temps de travail des praticiens hospitaliers, chantier éludé du Ségur, et mettons en regard les rémunérations avec le volume horaire de travail réalisé par les praticiens.

Ayons le courage de corriger l’erreur du Ségur qui a valorisé l’engagement des jeunes sans considérer celui de ceux qui tiennent l’hôpital public depuis des dizaines d’années : donnons à tous la bonification d’ancienneté de 4 ans.

Ayons le courage de mettre sur la table le chantier de la permanence des soins : pas timidement et de manière insultante comme au Ségur, mais par une revalorisation massive à hauteur de la permanence des soins effectuée par les libéraux (le rapport de l’IGAS sur le sujet n’est toujours pas public…), et par une prise en compte des effets collatéraux du travail de nuit : pénibilité, déséquilibre vie professionnelle – vie personnelle, morbidité induite et réduction de l’espérance de vie.

Ayons le courage d’officialiser les mesures d’attractivité plutôt que de laisser perdurer les petits arrangements opaques, à la limite de la légalité, dont le principe et de nombreux exemples sont pourtant connus des tutelles.

Ayons le courage de réformer la gouvernance en imposant une réelle démocratie sanitaire, dans la désignation des chefs de service et de pôle autour d’un projet médico-soignant. Donnons la possibilité de faire exister les syndicats médicaux dans les établissements au même titre que les syndicats paramédicaux. Les syndicats et leurs représentants ont un rôle à joueur pour faire vivre le dialogue social dans les établissements de soins mais également sur les territoires de santé.

Ayons le courage d’un dialogue social équilibré. Les erreurs de trajectoire pour l’hôpital public, et notamment les plus récentes, sont le fruit de négociations tripartites où directeurs et DGOS ont une connivence à peine voilée, tandis que la parole – et même le vote – des praticiens concernant les évolutions est quasiment ignorée. Écouter le terrain sans le suivre nous a conduit dans le mur. Appliquer les propositions des représentants légitimes que sont les syndicats est la seule planche de salut pour l’hôpital public : Action Praticiens Hôpital, union d’Avenir Hospitalier et de la Confédération des Praticiens des Hôpitaux, et ses composantes, représentant l’ensemble des spécialités médicales, odontologiques et pharmaceutiques, majoritaires chez les praticiens hospitaliers et les contractuels aux dernières élections professionnelles, sera présent et force de propositions.

Jean-François Cibien- Président AH, Président APH, 06 07 19 79 83

Carole Poupon - Présidente CPH, Vice-présidente APH ; 06 76 36 56 67

Yves Rébufat - Président exécutif AH , 06 86 87 62 76

[1] https://www.lesechos.fr/economie-france/social/hopital-le-temps-de-la-refondation-1404467

 

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