Le secret médical, Saint malo, et ... le RESTE

Depuis l'instauration  dans les établissements de soins du financement à l'activité, le recueil de cette activité  constitue un enjeu de taille pour ces établissements publics et privés, puisque leurs budgets de fonctionnement en dépendent. Diverses stratégies ont été mises en place par les gouvernances locales, allant de la réorientation des activités vers les plus lucratives, à d'autres qui, à force de flirter avec la Loi ou la morale conduisent à s'interroger sur des pratiques déviantes, ce qui les sous tend, et leurs conséquences.

 
Le recueil d'activité est sous la responsabilité de médecins spécialisés dans l'Information Médicale (médecins DIM), dont le rôle est de transformer l'activité en budget via un codage des actes, selon une nomenclature nationale, mais avec des différences d'appréciation qui sont le fait de toutes activité humaine. Ces différences d'appréciation peuvent être aplanies par des dispositifs dits d'optimisation du codage. Certains établissements ont choisi de renforcer leur équipe DIM en interne, leur donnant les moyens de fonctionner. D’autres ont choisi d’externaliser soit toute la fonction de codage, soit seulement l’optimisation de celui-ci à des officines privées.
 
Quelle que soit la solution choisie, nos collègues médecins de l’information, qui subissent de très fortes pressions de leur administration, sont tenus par le Code de Santé Publique (Art R6113-5) au respect du secret médical et à la confidentialité des données qui peuvent sortir de l’hôpital.
 
Dès juin 2011, certains médecins DIM, relayés par notre organisation syndicale et intersyndicale se sont insurgés auprès de la CNIL et du Conseil de l’Ordre, contre les pratiques de certaines officines qui, après contrat avec leur établissement, pratiquent une optimisation du codage au prix de la rupture du secret médical, le re-codage s'effectuant après intrusion dans les dossiers médicaux non anonymisés. Ces officines se payent sur un pourcentage des sommes ainsi récupérées, et versées par l'Assurance Maladie (dans le cadre d’un budget global, l’ONDAM).
 
Cette rupture du secret médical, dénoncée fermement par le Conseil National de l'Ordre, a  hélas perduré jusqu'à ce que la CNIL rende (enfin!) un avis très ferme, et ne décide d'aller visiter les établissements pour vérifier que la confidentialité des données médicales soit bien respectée. Avec au passage un énorme gâchis humain pour les médecins DIM qui, bien que lanceurs d'alerte, n'ont trouvé que leur syndicat pour les défendre. 
 
Cette affaire embarrasse fortement par ses enjeux et ses conséquences : la CNIL qui a mis beaucoup de temps à rendre son avis,  le ministère qui vient de se saisir du dossier et entend le traiter au fond, la communauté des Directeurs d'établissements qui en grand nombre ont recours à ces officines.
 
Nous allons voir que cette affaire  met crûment en lumière les conséquences et les effets pervers, voire déleteres, des réformes de la santé.
 
En effet, la rupture de la confidentialité des données médicales, le harcèlement des médecins DIM vent debout contre leur administration pour faire  respecter le secret médical est la face cachée de l'iceberg, et il est nécessaire de décortiquer ses tenants et aboutissants.
 
La course au plan de retour à l’équilibre des établissements à tout prix. La réforme du financement des hôpitaux les a enfoncés dans des déficits artificiels, les services publics n’ayant pas pour fondement d’être rentables. Pour y parvenir, juger les directeurs et indexer leur carrière sur leur capacité à y arriverest un moyen puissant. Sauf que certains établissements structurellement ou historiquement déficitaires conduisent certains directeurs à des conduites qui peuvent être déviantes, y compris contourner la Loi. Demander à des sociétés privées de fouiller dans les dossiers médicaux pour trouver comment surcoter est une conduite à risque judiciaire. C’est aussi la stratégie du coucou, à savoir prendre aux autres sans souci des conséquences. Dans le cadre d’un budget national global contraint par l’ONDAM, chercher à gagner plus pour son hôpital c’est diminuer ce qui reste pour les autres. Stratégie individuelle de directions acculées à trouver de l’argent à tout prix !
 
Optimisation du codage oui, sur-codage non ! Certains collègues DIM ont pour consigne de fermer les yeux sur des cotations frauduleuses et contraires à leurs bonnes pratiques. Coder sous contrainte en soins palliatifs des patients qui n'en bénéficient aucunement, ou coder sous contrainte en néonatologie tous les enfants de moins de 120 jours quel que soit leur lieu d’hospitalisation, ou coder sous contrainte en infection grave des patients qui ont juste des infections banales, ou coder toutes les appendicites en péritonite, sont de bons exemples de surcodage qui, pratiqués à l’échelle nationale, seraient insupportables à l’Assurance Maladie. On peut d’ailleurs dans cette affaire relever une grande absente, pour l’instant en tout cas : la CNAM. Car enfin, ces pratiques de surcodage, devraient être repérées par les audits de la CNAM. Pourquoi ne le sont-elles pas ? Comment peut-on hospitaliser 97% des enfants en néonatologie sans que ça se voie ? Ou avoir autant de sepsis grave qu’un grand CHU, avec un taux de guérison bien meilleur ? 
 
Le non respect de l’éthique et de la déontologie médicale. Il est intéressant de noter, la rapidité et la fermeté avec laquelle le Conseil de l’Ordre a donné son avis sur les obligations juridiques  du respect du secret médical, alors que d’ordinaire il est peu intéressé par les aspects hospitaliers de la profession.
 
L’indépendance professionnelle des médecins. Notre identité, nos valeurs fondamentales de médecin  qui, pour pouvoir prendre la bonne décision médicale, ne doivent pas être soumis à des pressions contradictoires notamment financières, sont fortement ébranlées par le problème global de la tarification à l’activité seul moyen de mesure de l’activité médicale. En effet, les médecins doivent désormais rentrer dans le cadre fixé comme rentable et subissent des pressions sans fin pour diriger leurs décisions vers le «performant », « l’efficient» et le mieux valorisé financièrement. Les pressions pouvant aller jusqu’à des mises au placard, ou des obligations de changer d’activité professionnelle contre leur volonté. Défendre l’indépendance professionnelle des médecins n’est pas d’une réaction corporatiste, mais bien le reflet d’une construction historique nécessaire, car seule cette indépendance dans les décisions permet aux patients d’être sûrs qu’ils bénéficieront du « juste soin » et pas de celui prescrit par des gestionnaires.
 
La soumission des carrières médicales au bon vouloir du Directeur d’hôpital, et au delà à une gouvernance médico-économique inféodée à ce type de management. De plus en plus certains directeurs abusent des pouvoirs que leur ont conféré les dernières réformes, notamment la réforme de nos statuts. Désormais, quand un praticien est jugé gênant pour la stratégie interne de l’établissement, il est  placardisé, harcelé, ou muté  sur des activités autres que leur champ de compétence, ou mis à disposition d’autres établissements. Et force est de constater que l’administration régionale et nationale prend fait et cause pour les choix du Directeur, sans que jamais le collègue ne puisse se défendre. On entend désormais que seul le Directeur ayant pouvoir d’affectation, il peut décider de là où il fait travailler les médecins, sans aucun contre pouvoir  autre que syndical, et même en dehors de leur champ de compétence. La « nouvelle gouvernance »  qui lie chefs de pôle (nommés par le Directeur et membres de droit des Commissions Médicales d’Etablissements), qui élisent un Président de CME de fait sans beaucoup d’autonomie puisqu’élu par des pairs nommés par ce même directeur ! C’est  une des conséquence de la Loi HPST, une nouvelle gouvernance entièrement aux ordres d’un Directeur évalué sur ses capacités à faire vivre le Plan de retour à l’Equilibre Financier. C’est la consécration de l’alliance médico-économique au sein de certains hôpitaux ayant perdu de vue le vrai sens de l’hôpital public, à savoir soigner. Ce sont désormais alliances et jeux de pouvoir, bien éloignés du Serment d’Hippocrate, l’objectif principal étant le retour à l’équilibre financier à n’importe quel prix.
 
Le métier de médecin DIM est un excellent reflet de ces contradictions : travaillant sous la responsabilité du directeur, il est obligé s’il ne veut pas se voir renvoyé dans un poste où il ne désire pas exercer, de se soumettre aux injonctions, même contraires à son éthique ou sa déontologie. Il est absolument nécessaire que ce métier devienne une vraie spécialité, avec ses valeurs propres, son référentiel de bonnes pratiques et de morale, avec les moyens locaux de travailler correctement, et une indépendance vis a vis de la direction. Et pour y parvenir, une formation diplômante.
 
L’absence de réflexion au sein des établissements de santé publics ou privés sur la garantie du secret médical. L’informatisation des dossiers médicaux à grande vitesse, souvent menée par des informaticiens plus au fait des logiciels informatiques que des enjeux de société est un vrai problème. L’édition des « journaux de connexion » dans certains hôpitaux est édifiante, quand on voit qui se connecte sur les dossiers des patients, sur quelle partie des dossiers, et quels patients intéressent les pirates voyeurs. Ou les réunions régionales inter-établissements de « benchmarking », où les dossiers présentés ne sont pas anonymisés. C’est un vrai problème, qui n’a pas été anticipé. Il a fallu qu’un médecin DIM de St Malo, véritable lanceur d’alerte, soit sanctionné sans jamais avoir pu s’expliquer, en dehors de l’écoute et de la défense de son syndicat, pour que le dossier s’envenime, que la CNIL réagisse enfin, que tous ces problèmes arrivent sur la place publique, pour que la gravité soit enfin perçue par les pouvoirs publics.  Laissons l’administration centrale faire respecter la Loi, c’est certes de façon tardive (nous alertons depuis juin 2011), mais faisons leur confiance. Par contre, notre collègue sanctionné doit pouvoir réintégrer son travail, et les autres ne subir aucune sanction pour avoir pris des positions courageuses et respectueuses de leur déontologie.
 
Fondamentalement, cette affaire reflète donc la contradiction que nous vivons au quotidien entre nos missions de médecin, et les conséquences des réformes de l’hôpital que celui-ci a  subies depuis plus de 10 ans. Ces réformes ont toutes ont eu pour objectif de mettre l’hôpital et la santé sur le domaine de la marchandisation, de la rentabilité et de la concurrence, via un management ciblé sur cet objectif. Ces contradictions que vivent en ce moment au premier chef les médecins DIM, ce sont celles que tous les soignants ressentent. Au delà de la protection des lanceurs d’alerte, c’est l’ensemble des conséquences des réformes de la santé de ces 10 dernières années qui doivent être revues. Le Pacte de Confiance qu’a lancé la Ministre est une belle idée, mais elle doit se concrétiser rapidement. Sans quoi de nouveaux feux semblables à celui-ci seront ouverts.

Avec le soutien du Groupe Pasteur Mutualité

 

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Campagne nationale
" Dis Doc', t'as ton doc' ? "  pour faire évoluer le modèle culturel des médecins !

 

Retrouvez toute l'information dans le communiqué de presse (cliquez ici)

www.cfar.org/didoc/ 

 

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Actu'APH n°16

       

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     Les annonces de recrutement octobre 2023

 

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Les dernières actus

75 % DES MEDECINS HOSPITALIERS RISQUENT DE QUITTER L’HOPITAL PUBLIC DANS LES 5 ANS… … PARCE QUE PERSONNE NE PREND SOIN DES MEDECINS HOSPITALIERS.

MISSION-FLASH : UN NOUVEAU RATAGE GOUVERNEMENTAL (PREVISIBLE) !

Ce vendredi 1er juillet, Action Praticiens Hôpital dévoilait à la presse les résultats complets de l’enquête « Nuits Blanches » sur la permanence médicale des soins à l’hôpital public : 75 % des praticiens hospitaliers risquent de quitter l’hôpital public dans les 5 ans à cause de la permanence des soins. En parallèle, le rapport de la mission-flash sur les urgences était remis à la Première Ministre. Un rapport sans doute amoindri à la demande de la Première Ministre, puisque seules 41 des multiples propositions [CP1] [WA2] envisagées par la mission ont pu figurer dans le rapport.

le dossier de presse

Lettre aux élus De La République

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Paris, le 22 juin 2022

Monsieur le Président du Sénat,

Monsieur le Président, Madame la rapporteure de la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France

Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,


Action Praticiens Hôpital, union d’Avenir Hospitalier et de la Confédération des Praticiens des Hôpitaux, organisation majoritaire aux dernières élections professionnelles pour le Conseil Supérieur des Personnels Médicaux vous remercie pour l’écoute attentive lors de notre audition au Sénat du 9 décembre 2021. Nous vous remercions pour le rapport que vous avez publié le 29 mars 2022 et nous nous permettons de vous rappeler notre proposition de réfléchir ensemble sur les modalités législatives à mettre en œuvre pour faire évoluer la situation de l’Hôpital Public et de l’accès à un juste soin qui se dégradent sur l’ensemble du territoire national.

Nous représentons les médecins, pharmaciens, odontologistes des hôpitaux et faisons partie des corps intermédiaires élus. Nous sommes issus du terrain et des terroirs de notre Nation. Nous appartenons à l’Hôpital Public pour lequel nous œuvrons jour et nuit pour permettre un accès aux soins à tous nos concitoyens, vos électrices et vos électeurs, pour qu’en France vivre en bonne santé soit et reste une réalité.

Dans cette lettre nous vous résumons une partie de notre analyse sur les points de blocage et les leviers que la Loi devra changer pour que demain le pilier Santé retrouve sa juste place dans notre société. Pour que l’ensemble des praticiens et soignants des établissements de santé, du médico-social comme de la ville puissent retrouver la sérénité d’exercice dont ils ont besoin pour répondre aux attentes des patients et de leur famille.

Nous avons subi depuis des décennies le dogme de la rationalisation fiduciaire et notre système est à bout de souffle, au bord d’une rupture irrémédiable. La France qui dans les années 2000 était à la pointe de la médecine dans le monde se retrouve aujourd’hui au 23ème rang.

Notre rôle de corps intermédiaire a été trop souvent ignoré et parfois maltraité par une gangue administrative qui a parfois perdu le sens des valeurs de notre société. Nous connaissons bien les territoires et ce que nous avons à faire pour le bien commun. Nous vous l’avons démontré depuis longtemps et encore plus lors de la première vague Covid. Nous avons alerté également maintes fois pour que les choses évoluent…

Il semble temps aujourd’hui de changer de méthode et de retrouver des objectifs quantitatifs acceptables mais surtout qualitatifs en termes de juste soin pour les patients et d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle pour nous vos soignants. Ces conditions sont indispensables pour que nos concitoyens puissent retrouver une espérance de vie en bonne santé superposable à celle des autres pays et que les acteurs du soin que nous sommes puissent également retrouver le sens de leurs métiers.

Nous ne sommes pas abstentionnistes ou spectateurs passifs mais des acteurs engagés pour construire le renouveau tant attendu par les Françaises et les Français et clairement exprimé ces dernières semaines. Nous sommes et serons là pour vous aider à reconstruire et à moderniser l’existant pour que le vivre ensemble en bonne santé ne soit plus un mirage mais redevienne une réalité pour toutes et tous en tout point du territoire.

APH est à votre disposition pour travailler dans cette direction dans un respect mutuel et autour des valeurs de notre République.

Prenez soin de vous, des vôtres et de la santé de vos administrés comme celle de l’Hôpital Public et de notre système de soin.

 

APH REAGIT A LA « NOTE AU GOUVERNEMENT » DE MARTIN HIRSCH

 

Tribune APH du 9 mai 2022

 

Martin Hirsch, directeur général de l’APHP, s’est autorisé à envoyer une « note au gouvernement » [1] qui ressemble à un acte de candidature au poste de ministre chargé de la Santé. Dans cette note, adressée en copie à la presse, il étale ses réflexions et ses propositions pour l’hôpital public… Nous nous limiterons ici à commenter ses propositions, exposées comme une profession de foi.

Faire le constat du naufrage de l’hôpital public, annoncé par les syndicats depuis longtemps, fait désormais l’unanimité. Les discours des politiques et des administratifs assurant que l’hôpital tient toujours debout, qu’il a tenu pendant la pandémie, que la résilience des hospitaliers est inaltérable ne sont que façade. La réalité de notre quotidien est tout autre : la souffrance des hospitaliers explose, déprogrammations et fermetures de services résultent du manque de professionnels paramédicaux et médicaux, qui fuient en nombre le service public hospitalier. Nombre de celles et ceux qui restent encore sur le front sont rongés par un épuisement professionnel et personnel.

Cependant, les angles de vue proposés par Martin Hirsch sont inquiétants, en profond décalage avec les métiers du soin et la notion de service public.

  • Considérer que le soin se résume à une productivité mesurable est d’une cruelle indécence pour tous ceux dont on salue la vocation, l’humanisme et tout simplement le professionnalisme. Dans quelque secteur du soin que ce soit, le geste technique – qui rapporte à l’hôpital – n’est rien sans la relation du soignant avec le patient, sans le travail d’équipe, sans la réflexion sur son propre travail. C’est pourtant bien cette perte de sens qui fait fuir ou qui épuise les professionnels de santé.
  • Considérer que le professionnel de santé est un pion qui joue individuellement et que l’on peut balader d’un service à l’autre, d’un établissement à l’autre, d’une région à l’autre est encore une fois oublier le sens du soin à l’hôpital. Une équipe se construit, a une histoire, un projet, elle se renouvelle, mais doit savoir garder ceux qui s’investissent pour elle et doit donner la possibilité à chacun de s’investir, pour se sentir partie prenante de l’œuvre commune de soigner, d’accompagner et du vivre ensemble.
  • Considérer l’hôpital sans la ville oublie que le système de santé doit être centré autour du patient, et de son médecin traitant, et non du CHU parisien. Le champ du médico-social semblerait aussi avoir été omis… Le passage à l’hôpital d’un patient ne devrait se faire que lorsque les moyens de la ville et du premier recours sont dépassés : compétences spécialisées, plateaux techniques et maternités.
  • Défier les corps intermédiaires élus et donc légitimes, c’est-à-dire les syndicats – ce terme n’est même pas mentionné dans sa note – comme ne défendant pas les intérêts des praticiens est particulièrement déplacé. L’exemple de la discussion lors du Ségur sur la permanence des soins… à laquelle il n’a pas participé, contrairement à nous ! – en dit long sur sa vision du dialogue social…

Ainsi, ses propositions sont-elles également en décalage avec les métiers du soin hospitalier.

  • L’attractivité (jamais nommée dans la « note ») ne peut se résumer au problème des rémunérations. Il est si facile d’occulter les réelles difficultés : permanence des soins, temps de travail, reconnaissance de la pénibilité, équilibre vie professionnelle et personnelle, adaptation des contraintes à la parentalité… Le Ségur a été insuffisant, quand il n’a pas été insultant pour les praticiens hospitaliers. Le chantier de l’attractivité est à ouvrir réellement, courageusement : c’est une des priorités à mettre en œuvre immédiatement.
  • La mobilité versus la carrière à vie ? Destructrice de l’équipe et de tout projet professionnel, la perpétuelle mobilité contribuerait à envoyer les praticiens vers des carrières « à vie » dans les établissements qui le proposent : les établissements privés. Si nous sommes d’accord sur le fait que la concentration des prérogatives « clinique, enseignement, recherche et management » sur les seuls hospitalo-universitaires n’a pas de sens, il n’y a en revanche aucune honte à être praticien hospitalier toute sa vie, ou pendant un temps long, dans un même établissement. Il n’y a aucune honte à y travailler sans aspiration hospitalo-universitaire. Le travail hospitalier des praticiens implique la constitution de projets à long terme, d’investissements financiers, mais aussi de création de réseaux avec la ville, le médico-social et de suivi des patients porteurs de pathologies chroniques complexes. Monsieur Hirsch sait-il seulement ce qu’est le travail d’un praticien hospitalier, d’un soignant ?
  • La casse du statut ? Oui, les professionnels de santé gagneraient à être reconnus ou assimilés à des fonctionnaires « régaliens », plutôt que de poursuivre leur engagement dans l’hôpital public tout en voyant des collègues faire de l’intérim pour des rémunérations qui vont jusqu’à dix fois la leur, pour produire de l’acte sans contribuer aux piliers essentiels de l’hôpital que sont l’équipe, les liens entre services et la vie institutionnelle. Tous ces nouveaux contrats dont rêve Monsieur Hirsch ne font pas avancer l’hôpital : ils continuent à le détruire davantage. Les professionnels de santé engagés dans l’hôpital public demandent seulement à être rémunérés en fonction du travail qu’ils réalisent, où pénibilité et responsabilité doivent être prises en compte.
  • La gouvernance souffre en tout premier lieu de démocratie, notamment dans la désignation des chefs de service et de pôle. Aucun projet de réforme de gouvernance ne peut voir le jour sans ce prérequis. L’évocation des instances médicales et paramédicales des instances de gouvernance n’appelle pas la comparaison suggérée par Martin Hirsch : ni leur composition ni leurs missions ne sont comparables, ce d’autant qu’aucune représentation syndicale médicale locale n’est actée dans les établissements publics de santé. Cette absence d’implication des syndicats de praticiens hospitaliers à l’échelon du territoire de santé est une anomalie qui interroge…

Action Praticien Hôpital ne cesse d’appeler à réformer le système de santé et continuera à porter les principes de la qualité de vie des praticiens hospitaliers ; c’est l’intérêt de l’hôpital public : ceux qui y travaillent, ceux qui y sont soignés. Pour nous, le statut de praticiens est un gage de sûreté pour ce corps mais également d’équité sur l’ensemble du territoire national. Contrairement aux propos de Monsieur Hirsch, le cadre qu’il définit comme « rigide » de l’hôpital public ne l’empêche pas d’évoluer. Au contraire, il sécurise une réforme nécessaire, tout en gardant les prérogatives du service public comme les valeurs de la République pour défendre notre système solidaire de santé.

Nous défendrons des actions pour promouvoir un renouveau du système hospitalier et de celui de la santé en conservant les fondamentaux comme ceux des statuts, des engagements par conviction au service des patients et dans un esprit d’équipe et avec une rémunération revalorisée mais sans lien avec de l’intéressement et de la spéculation.

Cette réforme sera coûteuse mais elle est nécessaire, et elle sera efficace.

Ayons le courage de définir la place de l’hôpital public dans le système de santé : il n’est en concurrence ni avec la médecine de ville, ni avec l’activité des cliniques lucratives dont les missions et les objectifs sont différents.

Ayons le courage de mettre sur la table le problème du temps de travail des praticiens hospitaliers, chantier éludé du Ségur, et mettons en regard les rémunérations avec le volume horaire de travail réalisé par les praticiens.

Ayons le courage de corriger l’erreur du Ségur qui a valorisé l’engagement des jeunes sans considérer celui de ceux qui tiennent l’hôpital public depuis des dizaines d’années : donnons à tous la bonification d’ancienneté de 4 ans.

Ayons le courage de mettre sur la table le chantier de la permanence des soins : pas timidement et de manière insultante comme au Ségur, mais par une revalorisation massive à hauteur de la permanence des soins effectuée par les libéraux (le rapport de l’IGAS sur le sujet n’est toujours pas public…), et par une prise en compte des effets collatéraux du travail de nuit : pénibilité, déséquilibre vie professionnelle – vie personnelle, morbidité induite et réduction de l’espérance de vie.

Ayons le courage d’officialiser les mesures d’attractivité plutôt que de laisser perdurer les petits arrangements opaques, à la limite de la légalité, dont le principe et de nombreux exemples sont pourtant connus des tutelles.

Ayons le courage de réformer la gouvernance en imposant une réelle démocratie sanitaire, dans la désignation des chefs de service et de pôle autour d’un projet médico-soignant. Donnons la possibilité de faire exister les syndicats médicaux dans les établissements au même titre que les syndicats paramédicaux. Les syndicats et leurs représentants ont un rôle à joueur pour faire vivre le dialogue social dans les établissements de soins mais également sur les territoires de santé.

Ayons le courage d’un dialogue social équilibré. Les erreurs de trajectoire pour l’hôpital public, et notamment les plus récentes, sont le fruit de négociations tripartites où directeurs et DGOS ont une connivence à peine voilée, tandis que la parole – et même le vote – des praticiens concernant les évolutions est quasiment ignorée. Écouter le terrain sans le suivre nous a conduit dans le mur. Appliquer les propositions des représentants légitimes que sont les syndicats est la seule planche de salut pour l’hôpital public : Action Praticiens Hôpital, union d’Avenir Hospitalier et de la Confédération des Praticiens des Hôpitaux, et ses composantes, représentant l’ensemble des spécialités médicales, odontologiques et pharmaceutiques, majoritaires chez les praticiens hospitaliers et les contractuels aux dernières élections professionnelles, sera présent et force de propositions.

Jean-François Cibien- Président AH, Président APH, 06 07 19 79 83

Carole Poupon - Présidente CPH, Vice-présidente APH ; 06 76 36 56 67

Yves Rébufat - Président exécutif AH , 06 86 87 62 76

[1] https://www.lesechos.fr/economie-france/social/hopital-le-temps-de-la-refondation-1404467

 

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